Es-tu une erreur?

Cela m’a pris plus d’un mois pour me décider à écrire cet article. Je voulais être certaine de ce que j’allais dire et ne pas heurter certaines personnes par mes propos. J’ai lu quelque part sur Facebook la publication d’une personne qui prodiguait des conseils pour la drépanocytose. Les conseils étaient judicieux mais la fin de la publication m’a un peu chamboulée et stipulait que si on n’y adhérait pas, mieux vaut utiliser des préservatifs lors des rapports sexuels.

Wouah!! Amère, la pilule.

Je sais que certaines vérités sont difficiles à accepter. Je suis aussi consciente que nous ne pouvons pas avoir le même avis sur tout. Chacun de nous vit les difficultés de la vie différemment les uns des autres et, ces expériences laissent des empreintes indélébiles dans notre vie et notre subconscient.

Cette affirmation m’a amenée à me poser les bonnes questions sur ma vie et mon rapport avec la drépanocytose. Comment je voyais ma vie ? ai-je été une erreur de conception ? Quelle influence la maladie possède-t-elle sur ma vie, sur mes choix, sur ma façon de vivre au quotidien ? Aurais-je préféré ne pas naitre ? Quels sont les dégâts causés par la drépanocytose et que m’a-t-elle apporté de bien ? Si je ne peux répondre à ces questions alors, je n’ai rien à dire sur la déclaration de cette warrior. Aussi, selon mes réponses, il me serait encore plus difficile de répondre de manière logique à son avis. Au fil du compte, je la comprends car, il fut un temps, j’ai souhaité ne pas être née. Dieu merci, cette période est loin de moi aujourd’hui. Mes perspectives se sont élargies.

Je suis une Warrior. Cela ne fait aucun doute. J’ai compris qu’étant une guerrière, cela ne veut pas forcement dire que je vais en guerre le cœur joyeux. Cela n’implique pas que je suis invincible, encore moins intouchable. Je sais, en revanche, qu’en tant qu’une battante, la seule solution possible est de faire face dignement même avec la peur au ventre. A chaque crise, je prie pour revenir en pleine forme comme les soldats prient quand ils partent en guerre. La drépanocytose m’a ravie l’insouciance. Je deviens attentionnée, attentive aux détails et je priorise le bien-être. Cela implique-t-il que sans être atteint d’une quelconque pathologie, qu’on ne devrait pas prendre soin de soi-même ? Mais non ! Qu’elle prenne son insouciance ; je n’en voulais pas ! Je n’irai pas jusqu’à affirmer que j’aime ma vie avec cette maladie; mais je vous assure que j’essaie d’en tirer le meilleur.

Je suis heureuse de voir partout, des gens qui osent enfin parler de leur parcours avec la maladie, de leur quotidien, de leur routine et choisir d’exposer leurs douleurs pour le bénéfice du plus grand nombre. Cela requiert un courage exemplaire, je vous le confirme. Il m’a fallu plus de 3 ans avant d’oser publier mon visage sur ma page de sensibilisation. On le fait afin de briser les tabous, réveiller les consciences, dynamiser les recherches et encourager de bonnes relations entre les porteurs de la maladie avec leurs proches. On a choisi de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. On s’efforce de briser les barrières érigées par les statuquos, et on informe ceux qui disent des inepties à cause de leur ignorance de la maladie. Le public a pu réaliser qu’il y a des personnes drépanocytaires qui brillent dans leur domaine d’études, qui ont pu donner naissance, qui vivent très longtemps, qui deviennent de grands professionnels, et plus encore, sont des gens merveilleux malgré la maladie. Bien sûr ; ce n’est pas la chance de tout le monde ; beaucoup trop de Warriors sont partis trop tôt, pleins de vie et de rêves ! Il est difficile pour un parent de voir partir son enfant à cause de la maladie. Mais les culpabiliser ne résoudra pas le problème.

Sachant que plus grandes insécurités viennent de notre enfance, nous avons souvent un terrain psychologique infesté de toxines à cause de notre entourage, les mots stigmatisants, les interdits, les questions sans réponses et l’attitude des gens envers notre personne. Cela n’avait rien à voir avec notre naissance de drépanocytaire. La société nous dicte ce que nous devons faire ou ne pas faire, ce qui est bon pour nous et ce qui ne l’est pas. Oui, la douleur est chiante ! Mais il n’y a pas que nous ! Beaucoup de parents bien portants donnent naissance à des enfants qui ont des maladies rares et ils les aiment ! le plus dur après les crises et les complications, c’est le regard des autres qui tuent le plus! On peut être né en bonne santé et recevoir, plus tard, un pronostic engageant. Allez sur la chaine de Born Different, vous y verrez de nombreuses personnes qui sont nées avec des conditions physiques très alarmantes. Ce n’est pas facile pour elles non plus mais, elles avancent !

Je pense que ce n’est pas à nous de dire qui doit avoir un enfant ou pas, pour beaucoup, c’est leur rêve ultime parce qu’un jour, des personnes comme vous leur ont dit qu’elles ne pouvaient pas et ne devraient pas. Si on essaie tant bien que mal d’aider la communauté à regagner confiance en elle; une communauté qui vous inclut, pourquoi saboter les efforts qui aideront les autres à nous voir, vous aussi, sous votre meilleur jour ? Donner naissance est un choix personnel. Il suffit que les gens soient bien informés pour qu’ils choisissent de manière responsable. Tout ce que nous pouvons faire ; c’est nous accepter en tant que personne vivant avec une pathologie, oui, mais capable de beaucoup de choses et de réalisations en tant qu’individu.

Tant que vous refuserez cette vérité, votre vie avec la drépanocytose restera un calvaire. Vous donnerez l’apparence de force et serez meurtri à l’intérieur !

Je vous aime !!

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